Metteur en scène : En place ! On commence !!! Pourquoi ils ne sont jamais là quand on a besoin d’eux !? Le vélo est là, c’est déjà ça… Allez ! En place !!! On n’a que trois heures pour répéter et les blaireaux seront là à quinze heures tapantes, on n’aura plus le temps après, il faut commencer ! … Bon, ça, ça va… Ah ! Il faut revoir ça… Dépêchez-vous, j’ai plein de choses à vous dire ! Il y a des modifications, il ne faut pas les louper ! Les spectateurs ne pardonnent rien. Ce sont des charognards qui guettent leur morceau de plaisir et malheur à toi s’il est avarié ou mal fichu… Allez, quoi ! Mais qu’est-ce qu’ils foutent !
Le metteur en scène sort.
Le premier comédien entre sans voir le vélo.
Premier : Mais qu’est-ce qu’il fout ! Un metteur en scène sur lequel on ne peut pas compter n’est pas un metteur en scène. Et puis là, ça ne va pas. Treize[iv] réservations ! Comment veut-il que je joue avec treize réservations, moi ! Hors de question. Il fait réserver des amis, le clochard du coin, la reine de Papouasie s’il le veut, mais s’il n’y en a pas quatorze au moins, je ne joue pas.
Le premier comédien voit le vélo.
Premier : Qu’est-ce que c’est que ça ! Quel est l’inconscient qui a mis ça là !
Second : La vache, je n’en peux plus… Nous lever tôt un dimanche, ils sont fous… Et pas là. Si j’avais su que je serais le premier, je serais arrivé second… Pas clair, ça…
Second : Mais sois plus précis ! Les devinettes, le matin, moi, je n’arrive pas.
Premier : Ce n’est pas une devinette ! Je te dis qu’il y avait une…
Geste.
Second : Je ne sais pas… Un papillon, la victoire…
Premier : Pffff…
Second : Je sais ! Une araignée qui t’est tombée dessus et que tu cherches à virer !
Premier : Très bien. Laisse tomber. Je vais me passer de l’eau sur la figure dans la loge. S’il arrive, dis-lui que j’arrive.
Le premier comédien sort.
Second : Bon. Tout le monde arrive, quoi… Minute. S’il sait ce qu’il y avait là tout à l’heure, c’est qu’il est arrivé avant… Mais si je suis tout seul, est-ce que je suis le premier ou le premier, c’est lui, même s’il n’est plus là après ? Compliqué, ça…
Comme ce n'est pas agréable de lire des kilomètres de pages sur internet, vous pouvez télécharger le début en cliquant ICI
[i] Par la suite, chaque fois que le régisseur part chercher quelque chose, il met un certain temps à s’éclipser pour revenir. Ce temps de néant correspondrait donc à son premier départ.
[ii] Mon régisseur aurait une tendance j’m’en foutiste. Lent, débonnaire, une salopette mal attachée, il aurait un papier avec une liste qu’il compulserait régulièrement, ligne par ligne parce que deux lignes à la fois, c’est fatigant. Il sifflerait. A savoir que, par superstition, on ne siffle pas sur une scène de théâtre : cela apporterait les « sifflets » du public.
[iii] Un texte à la main qu’il compulserait ensuite.
[iv]Le nombre treize porte malheur d’une façon générale à cause, semble-t-il, du nombre de convives à la Cène. A noter qu’en Italie, c’est le 17 qui porte malheur à cause de l’anagramme du nombre en chiffre romain qui donnerait VIXI, « il a vécu »… Les hôtels en France ont rarement de chambre 13.
[v] Mon premier comédien étant particulièrement superstitieux, il aurait un jeu scénique de frayeur face à cet objet vert dont il veut se débarrasser sans oser le toucher.
[vi] Mon régisseur serait une sorte de clown au début. Il arriverait donc en sifflant puis s’arrêterait en ne voyant pas le vélo. Il le chercherait partout du regard en se tournant dans tous sens, sifflant à chaque mouvement et s’arrêtant à chaque regard pour finir perplexe.
[vii] Pour n’être pas redondant, mon premier comédien est moins effrayé par la corde que par le vélo – d’autant que c’est le mot qu’il ne faut pas prononcer quand le vert ne doit pas être porté sur scène. Il n’en est pas moins dégoûté et sort la corde du bout des doigts.
[viii] Comme il n’est pas permis de prononcer le mot corde sur scène, Premier devra mimer. Mon Premier est mauvais en mime. Si vous le souhaitez, vous pouvez changer les mots. Je vous donne tout de même les gestes. Le premier geste indique le lieu sur scène où se trouvait la corde. Le second geste ressemble à une corde que l’on prend en son centre à deux mains, les deux mains s’éloignant vers les extrémités. Le troisième serait une corde que l’on prend à chaque extrémité dans une main et que l’on secoue de bas en haut, les mains étant à chaque fois à des positions opposées (bas/haut). Le quatrième ressemble à une corde que l’on se passe au cou. Le dernier, d’autant plus flou que mon comédien s’énerve et est imprécis, ressemble à une corde que l’on se passe très vite fait autour du cou et qu’on lance en l’air, à deux mains, au-dessus d’une branche. Il finit donc les deux bras en l’air dans un signe de victoire énervé.
[ix] Mon régisseur sifflerait encore mais de façon plus énervée qu’au début.